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Cocaïne à Quimper : la consommation s'est-elle banalisée ?

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Quimper et le Sud-Finistère n'est pas épargné par la consommation et le trafic de cocaïne. Photo d'illustration.

Quimper et le Sud-Finistère n’est pas épargné par la consommation et le trafic de cocaïne. Photo d’illustration. (©Actu Toulouse)

Fin mars 2019. Tribunal correctionnel de Quimper (Finistère). Un cocktail d’alcool, de cannabis et de cocaïne est à l’origine d’un choc frontal, en septembre 2018 à Plomeur, près de Pont-l’Abbé. Bilan : trois blessés graves dont le prévenu qui était jugé ce jour-là. 

Le jeune homme, un marin-pêcheur de 27 ans, évoque sa dépendance aux stupéfiants. « C’était le soir des vacances, j’ai pris de la cocaïne pour fêter ça. » Mais assure que depuis l’accident, il s’est repris en main, suit des démarches pour en finir avec ces problèmes. Il écopera toutefois de 24 mois de prison dont 12 ferme. 

Lire aussi : Justice. Choc frontal à Plomeur : le prévenu écope d’un an de prison ferme

Quelle ampleur ? 

Notre enquête sur la consommation de cocaïne en Cornouaille est partie de ce fait divers. Cas isolé ou banalisation ? Quel état des lieux ? Premier constat : l’absence de chiffres pour cerner le phénomène et son ampleur. À Quimper, le parquet n’a pas d’outil statistique pour isoler les affaires liées à la consommation, la détention ou l’usage de cocaïne. Tout est regroupé sous une même bannière : les stupéfiants. 

Pour autant, la cocaïne revient régulièrement lors des audiences correctionnelles. Ce qui tend à confirmer certains propos entendus ces dernières semaines. « La cocaïne, ça circule à Quimper ! J’en ai vu à plusieurs reprises pendant des soirées. » Ou encore : « La cocaïne est très répandue dans les ports et le milieu de la pêche. » Certes mais nous avons cherché à le vérifier, l’étayer en interrogeant le Comité des pêches du Finistère.

Du côté de la gendarmerie, la réponse fuse : « Localement, la pêche n’est pas plus concernée qu’un autre secteur d’activité », dit le chef d’escadron Vincent Marescaux, le commandant de la compagnie de Quimper. Tout en ajoutant : 

La drogue gangrène aujourd’hui autant les villes que les campagnes. Les ports ne sont pas épargnés.

Quel est le prix du gramme ? 

En Cornouaille et plus largement dans le Finistère, il y a bien un marché de la cocaïne. En témoigne l’arrestation simultanée dans les gares de Brest et de Quimper de trois mules en provenance de Guyane.

Lire aussi : Finistère – Un homme qui avait ingéré 85 boulettes de cocaïne interpellé en gare de Brest

Ces faits remontent au 15 octobre 2018. Deux des trois individus avaient ingéré plus d’1,1 kg de cocaïne; le troisième, près de 900 g. « Toute cette drogue était destinée au marché local », observe Jean-Baptiste Doubliez, substitut du procureur de la République de Quimper. Ce magistrat spécialisé dans les affaires de stupéfiants poursuit :

Le marché dans des grandes villes comme Lille, Rouen et en région parisienne est saturé. Pour les dealers, la pointe Bretagne représente de nouveaux débouchés. Ils peuvent aussi être attirés par ce territoire en raison des prix qui sont plus élevés du fait du coût de transport. 

Un gramme de cocaïne se vend entre 70 et 80 euros (contre 8 euros en moyenne pour un gramme de cannabis). De quoi se faire trois ou quatre « traces », confie un consommateur. Nous vous donnerons aussi à lire le témoignage de ce monsieur-tout-le-monde, qui travaillait avant de perdre son emploi. « Ces dix dernières années, le prix de la cocaïne a baissé. Ce qui en a facilité l’accès », reprend le substitut Jean-Baptiste Doubliez.

Dans le Sud-Finistère, le gramme de cocaïne se vend entre 70 et 80 euros.

Dans le Sud-Finistère, le gramme de cocaïne se vend entre 70 et 80 euros. (©Flickr)

Il explique aussi que l’image de cette drogue, longtemps associée au showbiz, est aujourd’hui complètement dépassée. Le commandant de la compagnie de gendarmerie de Quimper abonde dans le même sens : « La consommation de cocaïne, ce n’est plus une question de prix ou de revenu. Ceux que l’on arrête après en avoir pris n’ont pas de problème avec ça. Ils répondent simplement qu’ils avaient besoin de se détendre et se sont fait un rail… » 

A Quimper, la commissaire de police n’a pas souhaité répondre à nos questions. Iris Tenu s’est contentée de nous répondre que la banalisation de la consommation de cocaïne « ne repose que sur des supputations ».

Difficile à détecter 

Elle est également « anecdotique » pour le Dr Sophie Graubé, la référente en addictologie au sein de Santé au travail en Cornouaille. « Il se peut que quelques salariés disent qu’ils en prennent mais à titre personnel. Et ce ne sont que des déclarations ». Elle précise que son service n’a pas encore mené d’enquête sur le sujet, faute de temps. 

L’alcool demeure en effet une problématique bien plus prégnante dans le Sud-Finistère. La remarque vaut aussi en matière de sécurité routière. Les cas de consommation de cocaïne au volant pèsent moins de 10 % des infractions, selon le chef d’escadron Anthony Jacquet, le commandant de l’Escadron départemental de sécurité routière (EDSR) de la gendarmerie. « Environ 6 ou 7 % mais nous ne disposons pas de statistique par produit. »

Lors des contrôles au bord des routes, ces hommes peuvent procéder à un dépistage salivaire. Celui-ci est fait pour détecter la présence de cannabis, d’amphétamines, de méthamphétamines, d’ecstasy, de cocaïne et d’opiacés. Les résultats peuvent être ensuite confirmés par un prélèvement salivaire. 

Les gendarmes peuvent effectuer un dépistage pour l'usage de stupéfiants chez les automobilistes.

Les gendarmes peuvent effectuer un dépistage pour l’usage de stupéfiants chez les automobilistes. (©Côté Quimper)

Quelques automobilistes peuvent toutefois passer au travers des mailles du filet, reconnaît Anthony Jacquet. « Lors de contrôles, nous pouvons rapidement constater qu’une personne a pris du cannabis. Elle a les yeux rouges et il peut y avoir une odeur dans le véhicule. Pour quelqu’un qui a seulement consommé de la cocaïne, et qui présente bien, c’est plus compliqué à repérer au premier coup d’œil. C’est pourquoi nous procédons à un dépistage. » 

Les effets au volant sont pourtant dangereux : euphorie, impression de puissance, hallucinations… « Tout cela peut entraîner une prise de risque inconsidérée », avertit le commandant de l’EDSR. Les contrevenants, condamnés par le tribunal, doivent alors effectuer un stage obligatoire. Dans notre enquête, nous avons pu assister à l’une des sessions et nous allons vous raconter le déroulement. 

Le trafic et ses conséquences 

En Sud-Finistère, le nombre de dossiers liés aux stupéfiants a continué à augmenter ces deux dernières années. Thierry Lescouarc’h, le procureur de la République de Quimper, indique : « Nous avons engagé 749 poursuites en 2017 et 913 en 2018. Et nous sommes déjà à près de 400 pour les cinq premiers mois de l’année 2019. »

Thierry Lescouarc'h, le procureur de la République de Quimper.

Thierry Lescouarc’h, le procureur de la République de Quimper. (©Côté Quimper)

La cocaïne ne figure pas dans tous ces dossiers. Mais là où elle est présente, les affaires basculent dans une autre tonalité. « Le trafic en engendre souvent d’autres et des délits comme des vols, des agressions, du blanchiment d’argent voire des violences graves, des séquestrations. Nous le constatons : dans certaines affaires, cette violence n’a pas de limite », poursuit Thierry Lescouarc’h. 

Son substitut, Jean-Baptiste Doubliez, acquiesce :

Dans plusieurs affaires, nous avons établi que des trafiquants font appel à des hommes de main, organisés, qui ne vivent pas ici, pour des règlements de compte.

Ces faits rappellent la tentative d’homicide par arme à feu, fin avril 2019 au Guilvinec. Deux hommes ont été interpellés ; l’un d’eux a été écroué. Dans le ressort du tribunal de grande instance de Quimper, la cocaïne, c’est aussi des délits du quotidien. Où les prévenus sont demandeur d’emploi, chauffeur-livreur… Les mineurs semblent pour l’heure épargnés, selon Jean-Baptiste Doubliez.

Lire aussi : Quimper : un automobiliste circulait après avoir consommé de la cocaïne

Pour autant, peut-on parler d’une banalisation ? La réponse est non pour Thierry Lescouarc’h qui évoque les prix de cette drogue. Et de conclure : « Il y a tout de même une démocratisation de la consommation de cocaïne même si je n’aime pas ce terme. » 


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