
Margaux, en 1/2 finale contre l’Espagne (© Uefa).
– Margaux, quand on devient championne d’Europe de football à 17 ans, et qui plus est en battant l’Allemagne 2-1, que ressent-on ?
– Sur le coup, on ne se rend pas compte. On ne réagit pas. On est toutes ensembles, on fait tout ensemble, on se dit qu’on est championnes d’Europe, mais bon, on a du mal à réaliser. Ce n’est qu’après coup, une fois seules à la maison qu’on réalise vraiment. On a rendu fière la famille, on a bien représenté la France, on est fière d’appartenir à ce groupe et d’avoir fait ce qu’on a fait toutes les vingt. Car même si certaines n’ont que peu joué dans ce championnat, elles font entièrement partie du groupe. Et puis après, on se dit que le groupe nous manque déjà et on espère que l’on vivra d’autres moments ensemble.
– Qu’est-ce que ce titre change pour vous ?
– À vrai dire, pour moi, ce n’est qu’une étape. Je veux aller plus haut, intégrer l’équipe de France « A », réussir dans mon club, avoir dès cette année le plus de temps de jeu possible en D1 avec mon club, l’En Avant Guingamp. Et puis après on verra.
Guingamp compte pour moi »
– La coupe d’Europe est derrière vous, vous allez retrouver le « bleu de chauffe » avec votre club, quel effet ça vous fait ?
– Je suis supportrice de ce club depuis toute petite et je suis très fière d’y être. Alors quand j’ai disputé mon premier match avec les « pros » en mai dernier contre le Paris Saint-Germain (1-1), j’étais bien sûr très heureuse. Je suis très bien à Guingamp. Et puis c’est à Guingamp aussi que j’ai eu mon bac ES (en juin, juste avant la coupe d’Europe), et je vais y préparer un BTS Management commerce opérationnel. Guingamp est une ville qui compte pour moi, et sa proximité avec Loudéac me permet de rester le plus longtemps possible près de ma famille. Ça aussi, c’est très important pour moi.
– Une carrière « pro », ça vous tente ?
– Bien sûr. Mais c’est aléatoire, c’est pour cela que je suis mes études. Et puis même si avec la coupe du monde, on voit bien que le football féminin prend de l’ampleur, on n’en est pas encore au stade des hommes. D’ailleurs ce n’est pas l’argent qui m’intéresse, c’est la passion avant tout.
– Le football, pour vous, ça a commencé quand ?
– Quand j’étais petite, j’allais voir les matches de Jean, mon grand frère, qui jouait au Losc. Mon père lui-même avait joué et entraîné l’Avenir de Loudéac, du temps où il existait. Forcément, avec tout cela, je ne pouvais qu’aimer le football. Le terrain était très favorable. A 6 ans, c’est-à-dire en 2007, j’ai pris ma première licence au Losc. J’y suis restée jusqu’à mes 15 ans, dans des équipes mixtes. J’ai intégré le collège Jules Simon à Vannes, qui possède une section football féminin, puis je suis partie au pôle espoirs de Rennes Becquigny qui regroupe les meilleures joueuses du Grand-Ouest.
– Et Guingamp ?
– J’ai commencé à faire quelques tournois avec l’EAG. C’est comme ça qu’ils ont fini par m’approcher. J’ai fait une saison avec les 16-17 ans, et alterné les matches en U 19 et DH avec l’équipe B de l’EAG. Dans le même temps, j’ai commencé à avoir des sélections. J’ai joué en Italie, en Finlande, en U 16, puis au Danemark en U 17. Les sélections jeunes, c’est vraiment une superbe expérience, car les déplacements se font sur une semaine, cela permet de découvrir les endroits où l’on va…
– Et là, vous avez été victime d’un coup dur…
– C’était le 15 octobre 2017. Je revenais de sélection et je jouais un match à Angers. Au bout de 20 minutes de jeu, mon genou a cédé. Rupture des ligaments croisés. J’ai dû être opérée à Rennes.
Sans mes parents, je n’y serais pas arrivée »
– Une blessure gravissime pour un footballeur, et pourtant, vous vous êtes bien remises…
– J’avais déjà eu des équipières qui avaient eu la même blessure et sont bien revenues ensuite. Je pensais que ce serait long, mais je ne me suis pas découragée. Et puis j’ai fait une partie de ma rééducation avec mon père. Les médecins et les kinés qui ont pris la relève m’ont bien suivi. Et mes parents étaient derrière moi à fond. Mon père, c’est un mordant… Sans tout cela, je n’aurais jamais pu remonter la pente.
– Et tout s’est enchaîné rapidement…
– J’ai réintégré l’EAG en août 2018. En octobre, j’ai fait un stage avec les U 18, je n’étais pas encore physiquement au top, mais on m’a laissé le temps de bien récupérer. Et dès décembre, j’ai été appelée pour partir faire un tournoi avec l’équipe de France U 19. Et tout est allé très vite par la suite. J’ai été rappelée pour des matches en Espagne, à Biarritz, au Tour élite à Marseille… J’étais très contente d’être rappelée aussi vite. Et puis il y a eu ce championnat d’Europe. Y participer, c’était mon objectif. Mais je me disais que ce serait compliqué à cause de ma blessure récente. J’ai travaillé dur. Je savais que j’avais des chances malgré tout. Et ça a payé…
– Vous vous retrouvez donc en Ecosse pour votre premier match de coupe d’Europe. Comment ça s’est passé ?
– Ce match, ça a été le plus dur de tous. On l’appréhendait beaucoup. C’était le premier match du tournoi, et pour cette ouverture, on affrontait l’Ecosse chez elle, à Paisley, près de Glasgow, dans un stade quasi comble. Et ça, on n’était pas habitué à jouer devant une telle chambrée. Forcément, on avait un peu de stress. Mais ça s’est finalement bien passé avec une victoire 2-1.
– Ensuite, il y a eu ce match contre les Pays-Bas, un grand nom du football européen…
– On a joué ce match très différemment. La Hollande, c’est une très bonne nation de football. On a abordé la rencontre de la meilleure manière. On a ouvert la marque, mais ils ont égalisé. On a fait la différence en fin de match grâce à notre préparation qui a fini par payer. On a gagné 3-1. Ensuite, on a joué contre la Norvège. il nous fallait faire match nul. Ce match a été très différent des autres, car la Norvège est une équipe très athlétique. On a pris beaucoup de buts, mais on en a marqué autant (3-3).

Un titre européen à 17 ans : Margaux n’oubliera jamais. (©UEFA)
– Et puis est arrivée l’Espagne.
– En 1/2 finale, effectivement, on a eu affaire avec les Espagnoles qui étaient les championnes en titre. La France, en garçons comme en filles, perd souvent contre eux. En coupe du monde, ils nous avaient battus. On était revanchardes. Mais ça n’a pas été facile. A la fin du temps réglementaire, on en était à 1-1. Ce qui a fait la différence, c’est le mental, la détermination, et le coaching de Gilles Eyquem qui a su faire les bons choix au bon moment. On a fait la différence dans les prolongations (3-1).
Ce match nous a ouvert les portes de la finale où l’on s’est retrouvée menée pour la première fois de tout le tournoi (0-1). Mais là encore, on a su réagir pour battre les Allemandes 2-1.
– Que retiendrez-vous de cette épopée ?
– Le plaisir qu’on a apporté aux gens. Dans mon quartier de Cadélac, à Loudéac, c’était la fête. Les habitants ont même sonné la cloche de la chapelle. Championne d’Europe à 17 ans, un mois après avoir eu son bac, ça, je ne suis pas près de l’oublier…
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