
Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu le 13 juin 2019
Jeudi 9 mai 2019, le tribunal correctionnel de Cahors a eu à connaître d’un dossier d’accident du travail, qui dans un premier temps avait été classé sans suite.
Le 20 août 2014, un employé du Centre Technico Social Cadurcien (CTSC) voit l’annulaire de sa main droite sectionné, alors qu’il se trouvait dans l’habitacle d’une voiture, en haut d’un pont élévateur. Il est reproché à l’association des blessures involontaires, pour ne pas avoir procédé aux vérifications de sécurité sur cet outil de travail.
L’accident est intervenu dans le cadre d’une opération de réglage de frein à main, laquelle s’effectue avec deux personnes, l’une intervenant sous le pont élévateur et l’autre actionnant les commandes depuis l’habitacle du véhicule. La personne qui se trouve dans l’habitacle s’installe côté conducteur. Or, de manière inhabituelle l’employé s’était placé côté passager.
Mme Six, présidente du tribunal, demande à la victime de préciser comment s’est produit l’accident :
– « C’est vrai, j’étais passé du côté droit, pour ne pas être gêné par le volant ! » affirme l’employé. Il ressort également du dossier que ce même employé portait une bague au doigt, contrairement au règlement.
– « Je me souviens, j’avais chaud, j’ai ouvert la vitre et je n’ai pas d’explication, mais j’ai mis le doigt dans le rail du pont élévateur », indique-t-il. C’est à ce moment-là que l’employé au sol, a actionné la commande de descente du véhicule.
– « J’ai senti une décharge électrique et j’ai vu mon doigt sectionné ! » poursuit l’employé.
Après l’accident, des contrôles du pont élévateur ont été opérés, établissant le constat que cette machine était dépourvue de cache de protection.
Le pont élévateur était aux normes européennes
Laurent Pagès, le président du CTSC, donne des explications par rapport à ce pont élévateur.
– « Lorsque nous avons acheté ce pont élévateur auprès d’une société espagnole, le cache de protection sur la partie droite faisait partie des options. À ce moment-là, il ne nous était pas paru indispensable d’en faire l’acquisition car les opérations de réglages, telle celle effectuée par l’employé accidenté, s’opèrent à partir du côté chauffeur. »
M. Pagès insiste : « Ce pont que nous avons acheté était labellisé conforme aux normes européennes de sécurité. »
La présidente du tribunal s’intéresse également à la manière dont les employés du CTSC sont formés aux règles de sécurité. M. Pages explique que sont privilégiées les formations dispensées in situ, afin de s’assurer de la bonne compréhension des employés, certains d’entre eux, notamment d’origine étrangère, éprouvant parfois des difficultés à lire. À cet égard, il rappelle à la demande du tribunal et de Maître François Faugère les caractéristiques du CTSC. Il s’agit d’une association d’insertion comptant un garage associatif agréé par la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) et dont les bénéficiaires sont envoyés par Pôle emploi. Autre particularité de ce garage associatif, les adhérents, propriétaires de véhicules, sont censés participer à la réparation de leur propre véhicule, ne serait-ce qu’en faisant passer les outils ou en communiquant avec le personnel en insertion.
L’absence de capot à l’origine de l’accident
Selon maître Thierry Chevalier, avocat de la victime, s’il y avait eu un capot protecteur sur le pont élévateur, il n’y aurait pas eu d’accident. Se référant aux textes de la réglementation, il insiste sur le fait que « l’utilisation de la machine ne doit pas emporter le risque d’accident ». Selon lui, la prescription de sécurité n’a pas été respectée, car les contrôles de vérification des conditions de sécurité n’ont pas eu lieu. Au nom de la victime, il se porte au soutien de l’action publique et demande que le CTSC soit condamné pour blessures involontaires.
Cécile Lasfargues, vice-procureur, rejoint la partie civile en estimant que la perte du doigt de la victime est due à l’absence du capot protecteur. Elle retient les blessures involontaires par négligence et un manquement à une obligation de sécurité. Elle requiert une amende, pour partie avec sursis de 1 000 €.
La machine satisfaisait aux normes européennes
Maître François Faugère, avocat de la défense, présente l’éventail des activités du CTSC, qui œuvre depuis 35 ans en matière d’insertion ; une association au sein de laquelle des bénévoles et des salariés « se donnent corps et âme » pour aider des personnes de tous âges en voie d’insertion. À côté du garage associatif, bien d’autres activités ont été créées pour répondre aux besoins des personnes en situation d’insertion, dont des cours d’initiation à l’informatique… Et l’ancien bâtonnier qui a mis en avant la nullité des poursuites au préalable, s’interroge à nouveau :
– « Comment cette association qui a acheté un pont élévateur pour lequel il lui a été remis un livret attestant de sa conformité à la réglementation en vigueur, peut-elle être poursuivie ? » S’agissant du cache protecteur en option pour le côté droit, il rappelle qu’il n’y avait pas lieu à ce que l’employé se positionne côté passager.
– « Où est la faute pénale ? » insiste-t-il. L’avocat le répète haut et fort :
– « La machine est conforme et a été vendue conforme ! » Selon lui, la conformité est acquise et la responsabilité pénale de l’association ne peut être engagée. Il demande la relaxe de l’association des fins de la poursuite.
Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu le 13 juin prochain.
JEAN-CLAUDE BONNEMÈRE