
Devant le tribunal du Mans, une cinquantaine de gilets jaunes est venue en sortien des six personnes jugées. (©Les Nouvelles de Sablé)
Six gilets jaunes étaient jugés mercredi 24 juillet 2019 par le tribunal du Mans (Sarthe). La justice leur reproche différents délits devant le domicile de Marlène Schiappa, Secrétaire d’état au droit des femmes, dans la nuit du 24 au 25 mai, à l’occasion d’une manifestation.
Une affaire très médiatisée pour des poursuites au final minimes. L’audience a duré quatre heures.
Pour les avocats de la défense qui plaidaient tous la relaxe, l’affaire est disproportionnée.
« C’est le procès de l’excès » plaide Me Vigin. Le procureur de la République du Mans, Fabrice Belargent, leur oppose « un contexte » et « le respect à être en sécurité chez soi ».
Un tweet de Marlène Schiappa rend l’affaire publique
C’est un tweet de Marlène Schiappa qui avait rendu l’affaire publique, le lundi 27 mai, quelques heures après les faits.
« Je donne rendez-vous à ces gilets jaunes, en pleine journée sans leurs pétards et leurs outils, sans enfant à terroriser dans la salle du tribunal pour répondre à leurs actes devant la justice », lançait Marlène Schiappa sur son compte facebook lundi 27 mai, après avoir déposé plainte.
Vers 21 h 30, samedi 24 mai, une cinquantaine de gilets jaunes se regroupent place de la République au Mans pour un manifestation nocturne, non déclarée. Vers 23 h 30, ils s’arrêtent devant chez Marlène Schiappa, collent une affiche sur la porte et lancent des pétards.
Rapidement son compagnon sort et demande à parler à un interlocuteur. Il ne sera pas entendu.
« Les enfants ont été effrayés »
Ce mercredi, vêtu d’un costume impeccable et d’une cravate rouge, il a suivi toute l’audience, dans le fond du tribunal aux côtés de Aouatef Braber, la référente La République en Marche de la Sarthe. Absente, Marlène Schiappa était retenue en Conseil des ministres.
Il a tenu à témoigner de la façon dont le couple et ses enfants a vécu ces instants.
On nous a tiré du lit pendant la nuit. Les enfants ont été effrayé, il a fallu les apaiser, les rassurer ».
« Ma perception du temps a pu être modifiée »
Très vite Marlène Schiappa et son compagnon estiment que la scène a duré un quart d’heure. La vidéo est formelle, elle n’a duré que quelques minutes.
« Ma perception du temps a pu être modifié », estime-t-il.
Je me suis dit si la situation dégénère je n’avais pas d’échappatoire. J’entendais des insultes et des menaces. C’est ma perception du temps. Il était peut être beaucoup plus court dans la réalité ».
Le couple dénonce aussi des menaces. L’enquête, principalement basée sur une vidéo de plus de deux heures diffusée sur Facebook, ne le prouvera pas.
« Leur version reste crédible. Le fait de ne pas entendre les menaces sur la vidéo ne veut pas dire qu’elle a menti sur ce point », estime le procureur.
Six personnes poursuivies
Suite à l’enquête, le parquet met en cause neuf personnes puis en poursuit six. Ils étaient tous les uns à côté des autres au tribunal.
« J’ai fait une rime mais elle n’était pas intelligente »
Les accusations les plus importantes portaient sur des injures publiques.
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La vidéo montre qu’après s’être éloignés du domicile, deux des manifestants lancent « elle est branchée sexe, on est allé voir la p… on est allée voir Schiappa ». A l’audience l’un des deux éclate de rire.
Si on ne peut pas rigoler. J’assume mes propos ».
Le second ajoute « j’ai fait une rime mais c’est vrai qu’elle n’était pas intelligente ».
« Ces injures la visent en tant que femme »
Le procureur ne mâche pas ses mots.
Je réalise tout ce qu’il reste à faire pour comprendre qu’on ne peut plus tenir des propos minables en public sans en supporter les conséquences. C’est la négation de l’autre. L’autre n’est ps considérée en tant que personne mais en tant que p… Ca ne peut pas être de l’humour ».
Il poursuit. « Ces injures la visent en tant que femme. Et à la question si ça avait été un homme, je n’ai pas eu de réponse. C’est là qu’on se dit que quelque chose ne tourne pas rond dans cette société ».
Il requiert deux mois avec sursis pour chacun d’eux « pour les dissuader de recommencer ».
L’avocat des deux hommes plaide la relaxe estimant que l’injure n’a pas été directe.
Agression sonore
Autre sujet qui a été longuement débattu l’agression sonore pour deux autres gilets jaunes.
Le premier est accusé d’avoir abusé de son pibol. Sur demande de la présidente, il se lance dans une tirade sur l’utilisation de la corne de brume.
Ça sert à annoncer la présence d’un gibier dans toute chasse et rappeler les chiens ».
Son avocate tend l’instrument.
« On peut en déduire que ça fait beaucoup de bruit », ajoute la présidente.
Le prévenu ne se démonte pas. « On était en centre-ville, j’ai maitrisé mon souffle. Je tiens à m’excuser si je les ai dérangé dans leur sommeil ».
« 32 heures de garde à vue pour 2 min de pibol, c’est scandaleux »
Son avocate prend la parole.
Toute la ville du Mans a été victime de la pibol de M. pendant toutes les manifestations des gilets jaunes et aujourd’hui on lui reproche d’en avoir joué deux minutes devant le domicile de M. et Mme Schiappa. Je veux bien tout mais 2 min de pibol et 32 heures de garde à vue. C’est scandaleux ».
Le second est poursuivi pour avoir utilisé des pétards ce qu’il nie. Seul un des coprévenus l’accuse, co prévenu avec lequel il a partagé une petite amie. Son avocate plaide la relaxe.
Pour les deux hommes, le procureur requiert 1 000 euros d’amende.
Pas de martyr
Les deux derniers répondaient d’organisation de manifestation non déclarée. Tout le débat, pour l’une d’elle, a été de prouver qu’elle était bien organisatrice. Son avocat plaide la relaxe.
Le procureur requiert des jours amendes « même si pour monsieur T. dont la difficulté c’est son casier judiciaire qui est colossal ». Mais il le dit clairement, il ne veut pas en faire un martyr.
Pourquoi José Bové est devenu célèbre c’est parce qu’il a exhibé ses menottes dans un camion de gendarmerie » .
« A son domicile, on a le droit de se sentir chez soi, y compris un ministre de la République »
Dans son réquisitoire, le procureur réagit aussi aux accusations portées la veille par certains partis politique l’accusant de poursuites disproportionnées.
Il y a une limite qui a été franchie ces derniers mois. Un endroit doit être sacré : c’est son domicile, l’endroit où a le droit de se sentir chez soi, y compris un ministre de la république ».
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Après quatre heures d’audience, le tribunal a mis le jugement en délibéré. Il sera rendu le vendredi 27 septembre.
Comme le prévoyait le procureur, les gilets jaunes ont été acclamé en sortant du tribunal mais le ton est monté entre eux et les policiers ont fait usage de bombe lacrymo.