
Philippe Leroux devant l’entrée de la caserne de Cahors, où les pompiers affichent leur malaise
Les sapeurs-pompiers professionnels du Lot, dont la plupart sont basés à Cahors, suivent le mouvement de grève nationale et manifestent en affichant leur mécontentement devant la caserne de Cahors route de Toulouse.
« Nous sommes traités comme la 5e roue du carrosse, alors que nous en sommes le moteur mais aussi le châssis »
s’insurge Philippe Leroux, sapeur-pompier professionnel depuis plus de 20 ans, président du syndicat CFTC SPASDIS 46 et membre du comité national de ce même syndicat.
Face à un ras-le-bol des pompiers de la France entière devant le manque de moyens et de reconnaissance, il a rejoint le mouvement de grève national lancé à la fin du mois du juin 2019 et qui devrait durer jusqu’au 31 août. « Mais il n’est pas impossible que ce soit prolongé » affirme-t-il. Il est donc en prise directe avec les revendications nationales et cette unité syndicale est soutenue dans son action par la Fédération nationale des sapeurs-pompiers français mais aussi par le syndicat des Officiers sapeurs-pompiers français qui a rejoint le mouvement depuis peu.
Ils assurent les interventions
Pas d’inquiétude cependant pour la population, les pompiers assurent les interventions. Cette grève ne concerne que les sapeurs-pompiers professionnels. Ils sont 70 dans le Lot, répartis entre la Direction départementale, le centre de secours de Cahors et le CTA/CODIS. Et ils restent tous réquisitionnés pour assurer la continuité de leur activité, qu’ils vont faire avec un brassard « en grève ».
Un malaise profond
Et le malaise de la profession est profond. Philippe Leroux explique.
« Il faut qu’on revienne à notre cœur de métier : l’incendie et le secours d’urgence à la personne. Aujourd’hui, le secours aux personnes représente 80 % de notre activité, mais dans la majeure partie de ces 80 %, nous faisons de la bobologie et pas de la réelle urgence : ça va du hameçon planté dans le doigt à l’entorse, des accidents pour lesquels les gens pourraient aller seuls chez le médecin, sans avoir à appeler les pompiers ».
Sans compter les cas où les pompiers se retrouvent à se substituer à un service d’ambulancier, notamment dans les zones de désert médical. « Le couteau suisse, c’est le sapeur-pompier, souligne Philippe Leroux. On est appelés pour tout, du chat coincé dans l’arbre au serpent dans la maison. Mais pour cela, il n’y a pas besoin des pompiers. La devise des sapeurs-pompiers est efficience, altruisme et discrétion, d’accord, mais on ne peut pas continuer comme ça ! »
Pour exemple, le coût d’une intervention des pompiers pour un secours à la personne est de 400 €, mais les pompiers ne sont remboursés qu’à hauteur de 123 €. Ils ne s’y retrouvent pas. Parfois, ils se trouvent obligés de transporter des patients jusqu’à Toulouse, autant de temps de perdu pour des pompiers volontaires qui doivent quitter leur travail ou se retrouvent mobilisés en lieu et place d’une autre intervention… Sans compter les cas où les pompiers se font insulter ou agresser. Si cela n’arrive qu’extrêmement rarement dans le Lot, les pompiers des grandes agglomérations y sont quotidiennement confrontés.
D’autres revendications sont avancées comme la retraite, ou tout simplement la demande d’être reconnu comme métier à risque. « Contrairement aux gendarmes, à la police, aux gardiens de prison ou aux égoutiers, nous ne sommes reconnus comme métier à risque par l’État. Alors que les assurances nous font payer plus cher parce que nous sommes pompiers. C’est la double peine ! » s’insurge Philippe Leroux.
Manque cruel d’effectif
D’autre part, le nombre d’intervention augmente. « Aujourd’hui, nous avons de plus en plus souvent besoin de mobiliser plusieurs centres de secours pour avoir assez de pompiers sur une seule intervention » alerte Philippe Leroux. Entre le travail à flux tendu et l’activité opérationnelle qui augmente, les intervenants prennent de plus en plus souvent des risques.
Ainsi, au centre de secours de Cahors, 7 sapeurs-pompiers professionnels sont à la garde chaque jour. Ils ont été dans les années précédentes jusqu’à 9 et selon le Code général des Collectivités territoriales, ils devraient être 14. Mais ce manque d’effectif est avant tout dû à un manque de moyens.
Les pompiers, qui dépendent du budget du Conseil Départemental, coûtent en moyenne 80 € par habitant, soit 6,66 € par habitant et par mois.
« C’est deux fois moins cher qu’un abonnement à Netflix. Les ordures ménagères coûtent plus cher que moi, ça fait mal ! » ajoute le pompier.
Car c’est bien là que le bât blesse : les pompiers aimeraient plus de reconnaissance mais aussi plus de moyens. Et le Conseil départemental n’a malheureusement pas ces moyens, les dotations de l’État n’étant pas suffisantes.
À quand la nouvelle caserne de Cahors ?
D’ailleurs, Philippe Leroux se félicite des relations avec le Conseil départemental et avec son président Serge Rigal, également président du SDIS 46, avec qui le dialogue social n’a jamais été rompu. Une réunion a d’ailleurs eu lieu le 16 juillet dernier entre Direction et utilisateurs de la caserne de Cahors (pompiers professionnels, volontaires et agents administratifs) au sujet du devenir de la caserne, autre revendication des pompiers de Cahors.
Ce projet de nouvelle caserne est dans les cartons depuis 30 ans. Le Conseil départemental a assuré au personnel qu’il n’était pas abandonné, mais priorité a été donnée à la construction du collège de Bretenoux. Néanmoins, la construction de la nouvelle caserne, prévue non loin du rond-point de Regourd, est prévue pour 2023-2024.
En attendant, les pompiers ont toutefois demandé des travaux afin d’améliorer l’accueil des personnels féminins, de plus en plus nombreuses, notamment pour des sanitaires adaptés. Elles n’ont par exemple qu’une seule douche au sein de la caserne. Une amélioration du confort de la caserne est nécessaire, notamment pour pouvoir accueillir correctement les pompiers volontaires. « Nous resterons vigilants pour que ce dossier de nouvelle caserne ne finisse pas sous la pile des autres dossiers, c’est important pour l’ensemble des pompiers » assure Philippe Leroux.
Prise de conscience de tous
C’est donc à tout le monde de prendre conscience et de se poser les bonnes questions pour que la situation se redresse.
Aux citoyens d’abord, qui doivent cesser d’appeler les pompiers pour de mauvaises raisons, et respecter leur rôle de secours d’urgence. « C’est à la population de faire connaître ce qu’elle attend comme système de sécurité civile » précise Philippe Leroux. Aux politiques ensuite, députés, Association des Départements de France et Association des maires de France, qui doivent assumer leur rôle et faire remonter aux plus hautes instances de l’État les difficultés et les besoins budgétaires.
« Je n’ai aucun plaisir à faire grève, je ne le fais pas de gaîté de cœur. C’est bien de donner des médailles, de venir à la Sainte-Barbe. Mais nous demandons des actions et de la reconnaissance » conclut Philippe Leroux.